L’entrepôt du temple de Kladaren était vaste, mais les nombreuses armes et caisses qui s’y trouvaient suffisaient à donner une impression d’étroitesse proche de la claustrophobie. Des coffres soudés au sol et pratiquement impossibles à forcer contenaient les offrandes et l’argent officiellement alloué au temple. Sur chaque mur, des râteliers et divers présentoirs abritaient l’entièreté du panel des armes et munitions dont l’Hégémonie disposait pour ses opérations militaires. En cela, l’entrepôt avait été pensé en véritable hommage au dieu Lumineux.
Kladaren était l’incarnation de la guerre et de l’abondance en égale mesure, après tout.
Thésialtès supervisait lui-même la façon dont le chargement s’opérait. En tant que Paladin il aurait pu déléguer cette tâche ennuyeuse à n’importe lequel de ses hommes sachant lire. Il ne l’avait pas envisagé une seconde. C’était le rôle d’un commandant de tout savoir sur l’expédition qu’il allait mener. Le nombre de flèches et de carreaux, combien d’armes de réserve, combien de chevaux, de nourriture…
Connaître les guerriers et guerrières sous ses ordres ? C’était le minimum vital, mais pour un soldat professionnel ça n’était certainement pas suffisant. Il n’aurait pas voulu être mené par un chef qui en aurait fait moins.
D’ici quelques minutes, les Sœurs Guerrières de Mariatara, Lumineuse de la bataille, et les soldats du rang seraient présents, équipés et prêts à enfourcher les montures qui avaient été préparées. Ils allaient partir de nuit. Il ignorait comment les autres groupes qui avaient été engagés à prix d’or allaient procéder. Il aurait dû s’en moquer. Ce n’était pas son problème ; à plus forte raison car ils avaient reçu la stricte consigne de ne pas se mettre de bâtons dans les roues. Ils devaient agir indépendamment les uns des autres, afin que chaque groupe puisse utiliser les méthodes de traque qu’il jugeait les plus efficaces. Cette décision était également censée garantir que les divers groupes ne tenteraient pas de nuire à l’avancée des autres, eu égard au fait qu’ils ne seraient pas dans la même zone de traque. Tout du moins au début.
Thésialtès n’était pas pleinement convaincu. Si les autorités de l’Hégémonie avaient été réellement déterminées, elles auraient proposé que tous les groupes reçoivent la récompense promise même si un seul accomplissait la mission. Selon lui, les chances d’entraides auraient même été maximisées de cette manière, mais il n’était pas dans ses attributions de discuter les ordres.
Il venait de signer au responsable de l’approvisionnement un reçu précis de ce qu’il avait emporté quand l’un des gardes vint le trouver. Sous le heaume qui cachait sa physionomie, il était compliqué de déchiffrer une quelconque émotion. Pourtant Thésialtès sentait qu’il se dégageait de lui une certaine nervosité. C’est en le voyant hésitant qu’il comprit que l’homme était perplexe. Et il n’avait pas de temps à perdre.
- Et bien soldat ? demanda-t-il d’un ton ferme rappelant celui d’un sergent instructeur des écoles militaires qu’il avait fréquentées toute sa jeunesse.
- On demande à vous voir, monsieur.
- Juste avant mon départ ? Je ne crois pas non. Renvoies-le, qui que ça puisse être, et dis-lui qu’à mon retour…
- - Il s’est présenté comme le chef de l’expédition naine qui va partir en même temps que vous. A ce qu’il a dit. Il s’est montré… insistant, monsieur.
Le guerrier saint était perplexe à son tour. Tout ce que l’on savait était que la cible… «
La cible » était partie vers le Nord. Les nains avaient choisi de passer par la grande route de l’Est pour remonter le plus vite possible, soit l’opposée de la direction que son groupe allait suivre. Que pouvait-il donc bien lui vouloir ?
- Fais-lui servir une bière dans le hall et dis-lui que j’arrive.
***
- Très peu de personnes ont entendu parler de cette création, sais-tu ? Je serais curieux de savoir comment tu as eu vent de mon élixir.
- Te le dire fait-il partie du prix ?
Arcadius et le monstre arborant fièrement les traits d’un vieillard comme le plus subtil des déguisements du monde se faisaient face. Ils semblaient prêts à se jeter à la gorge l’un de l’autre à n’importe quel moment. Et tel était bien le cas.
Affichant un air faussement détendu mais sincèrement intéressé, la créature semblait partagée entre l’envie d’en savoir plus et celle d’engager une lutte sans raison ni sens, simplement pour le plaisir de faire mal. Le feu continuait de crépiter dans la cheminée. L’odeur qui se dégageait de la marmite était étrangement agréable… Rien dans cette scène ne semblait authentique.
- Ton peuple est particulièrement terre-à-terre dès qu’il a besoin de quelque chose, décidément… dit le monstre d’un ton amusé. Mais non, répondre à ma question ne fait pas partie du prix. Je te l’ais dit : je suis curieux. C’est tout.
- Les Mythiques des Royaumes du Trident. Tu serais surpris de savoir combien de peuples différents ayant eu recours à tes services veulent te voir mort.
- Peu de choses me surprennent, répondit le monstre en tournant finalement le dos au basiléen comme s’il ne craignait plus la moindre attaque.
Il commença à fouiller dans diverses étagères, au milieu d’une collection de bocaux tous remplis de poudres ou de fluides dont il valait mieux ignorer la nature.
- Peu de choses, en vérité… continua la créature en baissant d’un ton comme un authentique vieillard commençant à parler seul, perdu dans ses pensées. C’est pour ça que j’invente et créé de nouveaux amusements en permanence. Ce monde serait beaucoup trop ennuyeux sans inventeurs. Tu ne crois pas ?
Arcadius ne répondit pas. La question était une double provocation. En Basiléa, les règles régissant la vie du peuple entier étaient frappées du sceau sacré de la volonté des Lumineux. La notion de progrès était inexistante, et rares,
très rares étaient les choses pouvant prétendre avoir ne serait-ce qu’un peu évoluées. C’était la raison pour laquelle le plus puissant empire humain de ce monde était également l’un des rares à ne pas posséder la moindre arme à poudre. Entre autres choses. Demander à un paladin ce qu’il pensait de quelqu’un inventant en permanence de nouvelles choses, c’était déjà une forme de bravade en soi. Dans le cas d’une créature comme lui, et considérant la nature de ce qu’il inventait, cela revenait à demander à un orc s’il aimait la paix.
- Admettons que je veuille bien te céder un peu de mon précieux élixir, comment puis-je être sûr que tu vas en faire un usage raisonnable ?
- Tu me céderas parce que je paierais le prix demandé. Ou alors…
- Ou alors quoi ? demanda le faux vieillard en souriant comme un dément.
***
La grande salle était presque vide à cette heure-ci. Il y avait presque toujours au moins une personne pour travailler dans les entrepôts, sans parler des gardes. Mais la guerre récente contre les Abysses avait prélevé son tribut sur les Basiléens comme sur les autres, et depuis quelques mois certaines cités tournaient au ralenti. N’importe qui d’extérieur à la cité de la Corne Dorée aurait trouvé le lieu épouvantablement foisonnant, trop riche et trop pressé par le temps pour se sentir à son aise. Même un citadin d’une ville de taille respectable aurait trouvé le lieu stressant. Mais les natifs de la Corne Dorée le ressentaient tous les jours : il y avait bien moins de monde que d’habitude en ces temps troublés.
Le nain sirotait sa bière sans enthousiasme, prenant soin de ne pas en renverser sur sa barbe. Ses gestes étaient précis, calculés.
Un ancien noble, à n’en pas douter… pensa Thésialtès.
- Maître nain, salua-t-il en venant s’assoir à sa table.
- Pas mauvaise… commenta l’officier barbu en reposant sa chopine. Bière elfique ?
- Non, s’amusa le guerrier sacré sans pour autant se moquer. La bière d’importation elfique est trop chère pour être disponible ici. Et je ne pense pas que vous auriez apprécié quelque chose de ce peuple en particulier.
- Et bien tu penses des conneries, gamin, lui répondit durement le nain en finissant sa boisson d’un trait. J’ai combattu auprès des elfes au cours de plus de trente batailles. Je ne les aime pas, mais je ne suis pas assez bête pour ne pas les respecter. Leur bière est peut-être aussi forte qu’un jus de citron dilué dans trois océans de flotte, mais je n’aurais pas été vexé qu’on m’en offre.
Thésialtès regarda son interlocuteur avec un air plus sérieux. Il commençait à comprendre pourquoi cet homme était un gradé.
- Certes ; mais vous n’avez pas demandé à me voir pour parler boisson, je gage ?
- Que non ! s’exclama le nain en riant d’un rire sans humour. Je suis Arrick de Gars, anciennement cité libre, et probablement aux mains des mille fois maudits désormais. Pas la peine de te présenter, tu as déjà fait ta réputation auprès de mon clan il y a six mois au col de Sargoï.
Thésialtès inclina légèrement la tête, en guise de salut silencieux au souvenir de cette bataille. Beaucoup étaient morts ce jour-là ; et plus encore après.
- Non, l’humain, je suis venu te voir parce que j’essaye de faire les choses correctement, tu comprends ça ?
- Non, répondit le paladin. Je ne vois pas où vous voulez en venir.
- Celui qu’on nous envoie chercher, précisa alors l’officier nain avec un air de conspirateur. On sait que tu l’as bien connu. Tu as été sous ses ordres, pendant un moment, pas vrai ?
***
- Ou alors quoi ? répéta le monstre.
Il avait l’air particulièrement impatient d’entendre la réponse, et son air excité conjugué à son sourire sadique lui donnait un air de malade mental.
- Ou alors, dit simplement Arcadius, je n’aurai pas à payer du tout.
- Ho, vraiment ?
- Les cadavres n’exigent rien, la plupart du temps.
- D’accord, basiléen. Alors voici mon prix : fais donc de moi un cadavre !
***
Thésialtès regardait le nain d’un air glacial, faussement neutre. Il semblait calme, mais personne ne s’y serait laissé prendre : la colère du guerrier saint était en train de monter, lentement mais sûrement. Jusqu’à ce qu’il se décide à répondre.
- Il a été l’instructeur de nombre d’entre nous, au temple. Cela n’a jamais rien eu d’un secret.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire, l’homme, répondit le nain d’un air faussement peiné. Je veux dire que l’as bien connu, donc tu
sais des choses. Des choses qui pourraient être utiles à tous ceux qui vont le traquer.
- Nous avons assisté à la même réunion, il y a quelques heures, maitre nain.
- Et tu voudrais me faire croire que votre Haut-Prêtre nous a tout dit ?
- Tout ce qui était nécessaire, oui. Au cas où ce détail t’échapperait, nous sommes les commanditaires ; nous avons tout intérêt à ce qu’il soit retrouvé et ramené ici.
Le nain regarda le paladin dans les yeux. Il n’y avait plus le moindre air de faux-semblant sur son visage. Il n’avait jamais eu l’air aussi sérieux.
- Quand j’ai dit que je voulais faire les choses correctement, j’étais sincère, gamin. J’ai deux-cent soixante et un ans, et je sais de quoi ton peuple est capable. Je ne doute pas que vous vouliez le retrouver. Mais personne ici ne nous a dit
pourquoi il était un criminel ! Ne viens pas me dire que ça n’a aucune importance ! Aux dernières nouvelles, le dénommé Arcadius était un Haut au sein de ton ordre ! Il a déjà commandé de petites expéditions. Si vous avez besoin d’autant de monde pour le traquer ce n’est pas pour rien, et si tu crois que je vais risquer la vie de mes guerriers sans savoir dans quoi nous foutons les pieds…
- Silence !
Thésialtès s’était levé soudainement, et il avait à peine élevé la voix. Sa colère en revanche, semblait s’être muée en rage glacée difficilement contenue.
- Tu as beau être dans un lieu de stockage il fait partie du temple. Je t’interdis d’élever la voix ici.
Arrick regarda le paladin sans sourciller. Il ne bougerait pas d’ici sans avoir obtenu une réponse. Thésialtès le comprit. Il poussa un soupir et se rassit.
- Tu as raison sur un point, commença-t-il. Nous ne vous avons pas tout dit.
***
La créature avait à peine achevé sa phrase qu’elle s’était mise à vomir un liquide rouge fumant en direction d’Arcadius qui avait esquivé en se jetant de côté. La pierre avait immédiatement été rongée par le liquide dont la texture huileuse donnait l’impression qu’il s’agissait d’un sang partiellement coagulé.
Il lança sa dague avec un geste précis mais cette dernière se perdit dans les amples vêtements de la créature toujours sous son apparence de vieillard. Il bougeait à une vitesse terrifiante.
La mâchoire du faux vieillard se disloqua comme l’aurait fait celle d’un serpent s’apprêtant à manger. Mais celle-ci dévoila un nombre grotesque de crocs tordus partant dans toutes les directions. Les deux orbites entièrement noires qui servaient d’yeux au monstre avaient grandi au point de devenir semblables à des balles de jeu de quille. Devenu anormalement long et mou, son bras gauche était comme un tentacule d’où sortaient des dizaines de petits dards violets. Le bras droit, plus simplement, était resté humain, mais avait gonflé au point d’égaler la taille de celui d’un ogre. Et un de ses doigts avait disparu.
Arcadius fit un moulinet de son épée bâtarde désormais tenue à deux mains.
Avec la face qui était désormais la sienne, il aurait été impossible de lire la moindre émotion sur le visage du monstre. Pourtant, celui-ci eut l’air authentiquement perplexe quand il vit qu’Arcadius souriait.
***
- Sais-tu comment on devient paladin, maître nain ? demanda Thésialtès.
- Non, répondit honnêtement l’officier sans chercher à dissimuler son ignorance. La façon dont vos ordres fonctionnent ne m’a jamais passionnée.
- Cela n’a rien de très compliqué à vrai dire. Vois-tu…
- Je ne suis pas venu pour un cours de rattrapage, l’interrompit-il immédiatement. Tu cherches à éluder ma question.
- Non, dit Thésialtès avec un air grave. Il est important que tu comprennes. Crois-moi.
- Très bien, j’écoute.
- Pour devenir paladin, donc, cela n’a rien de très compliqué. Il y a ceux qui rejoignent un de nos ordres quand ils sont jeunes. Ils sont formés des années durant, tant à l’art du combat qu’à celui de soigner, et leur éducation religieuse est la plus stricte qui soit en ce monde. Mais on peut rejoindre l’ordre même après avoir atteint un certain âge. La plupart du temps, nos fantassins et autres soldats du rang ayant accompli toutes les nombreuses années de leur service se voient offrir une terre. Ils deviennent alors propriétaires terriens et fondent une famille. Mais certains refusent. Certains d’entre nous sont trop habitués à combattre pour se retirer comme cela des champs de bataille. Les temples accueillent ces vétérans emplis de ferveur à bras ouverts.
- J’aimerais que tu ailles droit au but, gamin. S’il-te-plait.
- Ne t’inquiète pas, maître nain. Tu vas voir où je veux en venir bien assez tôt.
***
Le bras tentaculaire gisait par terre, tranché net, remuant tout seul comme l’aurait fait le cadavre fraichement décapité d’un serpent.
Arcadius avait renversé la table d’un coup de pied et s’en était servi pour empêcher un nouveau crachat de sang-acide de lui arriver en plein visage. Il n’était resté dissimulé que la seconde nécessaire pour que le jet de liquide infâme soit projeté, puis il avait asséné un coup de taille ascendant, particulièrement vicieux, qui avait fendu le torse du monstre qui vociférait des cris semblables à ceux de plusieurs animaux qui hurleraient d’une seule voix.
Arcadius souriait. Depuis le début de cet affrontement, pas une fois il n’avait cessé de sourire.
***
- Ceux qui arrivent au temple après un service militaire accompli sont généralement les plus féroces d’entre nous. Bien-entendu, nous leur apprenons à eux aussi la valeur du pardon, de la guérison des blessures, l’équitation et les secrets mystiques de notre panthéon saint, mais c’est en temps de guerre que leur foi se révèle.
- Vos paladins sont bons, j’ai compris l’idée ! trancha le nain de plus en plus agacé.
- « Bons » est un euphémisme, maitre nain, croyez-moi. Mais là n’est pas la question. Notre Haut-Prêtre, tout à l’heure. Il y a quelque chose qu’il ne vous a pas dit, oui. Arcadius, en vérité, est un cas particulier.
- « Particulier », dis-tu ?
- En effet. Parce qu’il n’a jamais fait son service militaire au sein de nos armées ; et il n’a jamais été intégré au temple dans sa prime jeunesse comme l’un d’entre nous. Un jour, il s’est simplement présenté à la porte du temple de Kladaren avec une épée. C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années, qui semblait épuisé, malade, et prêt à trancher ses propres veines. Pourtant, il avait dans les yeux le regard d’un lion de Gur. Sais-tu ce qu’il a demandé, quand les frères jurés lui ont ouvert la porte du temple ?
Le nain ne répondit pas. La question était évidemment rhétorique.
- Il s’est mis à genoux, et ses mains tremblaient, tous ceux ayant assisté à la scène s’en souviennent. Il a alors levé vers nos frères un regard presque fou, et il a dit « Je vous en prie… Aidez-moi à… Aidez-moi à me calmer ! »
- « A me calmer » ? demanda le nain soudainement curieux. C’est ce qu’il a dit ?
- Mot pour mot. Les frères du temple de cette époque ont mal comprit au début. Ils ont cru qu’il cherchait des soins après avoir été attaqué. Il arrive fréquemment qu’un esprit mal entrainé souffre de troubles graves après un évènement terrible. Comme notre temple représente le dieu de l’Abondance et de la Guerre, ils ont pensé qu’il avait frappé à la mauvaise porte. Ils se trompaient.
***
Un estoc après un bond en avant, et le monstre eut la joue entaillée, l’œil avait manqué de peu d’être sur le trajet de la lame. Le bras titanesque du monstre jaillit dans un mouvement étonnamment fluide mais il ne fendit que de l’air. Arcadius avait fait un pas de côté alors même que sa lame touchait la chair du monstre. Un coup descendant frappa son bras qui résista partiellement à l’impact, mais le monstre hurla néanmoins. Arcadius lui avait balancé une petite fiole d’esprit de souffre en plein visage. Et il ne se contentait plus de sourire, désormais. Il riait.
***
- Nous ignorons de quelle région de l’Hégémonie il vient, en vérité. Nous n’avons jamais cherché à le savoir. Les sorciers de nos écoles ont simplement déterminé qu’il nous disait bien la vérité quand il affirmait ne pas être un criminel ou un impie. Nous l’avons accepté après cela. Mais vois-tu, ce n’est que lorsque son entrainement a commencé que nous avons compris ce qu’il avait voulu dire par « calmer ». Il cherchait l’aide des Lumineux pour discipliner son esprit.
- Qu’essayes-tu de me dire, humain ?
- Que si nous vous avions dit qui il était, à vous tous, les deux autres groupes auraient peut-être renoncé à la traque malgré la prime. Arcadius n’est pas simplement quelqu’un de dangereux ! C’est un fou de guerre ! Notre temple a mis presque cinq ans à lui apprendre à canaliser ses émotions, à juguler ce qu’il ressentait pour le transformer en force rédemptrice. Devenir un paladin lui a permis de… de… de devenir quelqu’un d’autre. Quelqu’un de bien plus sage, et de bien plus bienveillant. Quelqu’un qu’il a renoncé à être quand il a commis le méfait pour lequel nous allons le traquer désormais.
***
La créature gisait par terre, haletante, souffrant de nombreuses entailles, son visage presque entièrement fondu par la faute de la fiole d’esprit de souffre. Le liquide corrosif lui avait rongé le visage jusqu’à l’os.
Ainsi sur le sol à moitié démembré, il faisait presque peine à voir.
- Le prix… est payé… dit le monstre en donnant l’air de sourire derrière son masque de douleur.
- Pas tout à fait, répondit Arcadius, jusqu’à ce qu’il plonge sa lame dans le crâne du monstre.
Arcadius n’était même pas blessé ; tout sourire avait quitté ses traits.
***
- Si tu avais été envoyé traquer Arcadius, le paladin, je t’aurais conseillé d’être très méfiant, nain. Conclut Thésialtès. Mais on nous envoie chercher Arcadius le fou de guerre, à ceci près que celui-ci a désormais reçu toute la formation au combat et aux tactiques de notre ordre. C’est un capitaine, et tu l’as dit toi-même : il était pressenti pour le titre de Haut ! Tu es venu pour recevoir mes conseils et épargner au mieux tes hommes ? Voici tout ce que j’ai à dire : abattez-le en lui tirant dans le dos. Si vous parvenez à ne pas toucher d’organe vital et à le ramener vivant, tant mieux. Dans le cas contraire…
Le nain s’était levé. Son regard mauvais indiquait une froide détermination. Renoncer n’était pas dans la nature de sa race. Il salua poliment le paladin en inclinant la tête. Il savait tout ce qu’il lui fallait savoir.
- On ne nous envoie pas chasser un traitre, termina Thésialtès pour lui-même. On nous envoie chasser un monstre.
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